Peter Briggs est sculpteur. Peter Briggs modèle, façonne, travaille la matière. Il la contraint, l’apprivoise.
Peter Briggs est aussi architecte.
Il ordonne, il trace, il définit des espaces, il équilibre des ensembles.
Mais ne serait-il pas topographe ou cartographe par son intuition des itinéraires, des réseaux, des contours, par sa capacité à configurer des reliefs, à réaliser des arpentages mystérieux, à restituer sur la feuille l’évocation d’une forme, la réalité d’un volume ?
Peter Briggs est aussi couturier. Il couple, il assemble des pièces qui se relient en des points.
Le choix délibéré de Peter Briggs d’utiliser comme une support pour ses collages de vieux patrons de robe de chambre, de kimono, de veston, d’uniforme, d’habits divers dont certains au revers court et au dos peu arrondi, démontre son aptitude a construire, par l’amalgame d’éléments qui peuvent sembler hétérogènes, des parcours complexes, des dessins fabriqués comme des sortes d’écritures automatiques à vocation exclusivement stylistique qui se proposent comme un art de la ramification. Ces inflorescences font faillir des formes fictives et matérialisées qui combinées avec la rigueur méthodique des supports retenus élaborent des ordonnances virtuelles, abstraites et sensibles, rétablissent le monde dans son opposition entre ordre et chaos.
Tentant de restituer une conception du volume, Peter Briggs développe dans ses dessins sculptés un art de la surface, fluide et protéiforme. Il invente sa propre poétique, combinaison heureuse du normé et de l’incertain.
Archicouturier ou Archisculpturier, nous sommes heureux de pouvoir accueillir Peter Briggs à l’Institut français de Naples.
Pierre BERTHIER
Dans l’enjeu de mes collages, deux éléments réagissent ensemble dont les origines sont diverses et variées. Cette hétérogénéité introduit une relation dialectique simple entre le fond (page de livre d’occasion) et la forme (dessinée, numérisée, découpée) qui vient s’y attacher. Pour rechercher le document adéquat qui se servira de fond, je me rends régulièrement aux marchés de brocante et aux puces de façon à parcourir ce qui s’offre spontanément. Au hasard des déballages un choix de vieux papiers et livres se déploie qui me permet de constituer une collection de documents potentiels. Depuis dix ans de fabrication des ces collages, j’ai chercher des livres de manière a m’offrir le plus grand choix possible de feuilles arrachées qui me servent du support. Quelques livres fétiches ont particulièrement attiré mon attention: le premier était Arboriculture Fruitière en Images de J. Vercier chez Larousse de 1937, un manuel réédité à de nombreuses reprises avec des illustrations à toute les pages. Il s’agit d’un graphisme qui m’a toujours beaucoup touché s’agissant d’arbre type, une représentation de tous les arbres mais qui ne correspond en réalité à aucun. Le deuxième livre, visible dans cette exposition de Naples est la Méthode de Coupe Ladaveze-Darroux, 14ème édition de préférence ; il s’agit également de dessins schématiques accompagnés de patrons-type pour des vêtements entre les deux guerres à l’attention des tailleurs. Ma plus récente découverte et le Précis de Graphologie pratique du Docteur Camille Streletski, chez Vigot frères de 1934; cinq cents spécimens d’écriture sont analysés dans ce très beau livre abondamment illustré. Il s’agit à chaque fois d’un coup de foudre, aussitôt que j’aperçois ces livres, tout de suite mes dessins prennent place sur les feuilles arrachées. Les dessins qui s’y collent sont issus d’un processus long et compliqué qui a évolué au fur et à mesure de différentes expériences que j’ai menées en gravure aussi bien qu’en informatique. À l’origine J’avais voulu faire des dessins qui traduisaient par une cartographie sensible et non objective la mémoire tactile des formes des modelages que j’exécutais à l’époque. Petit à petit j’ai trouvé un graphisme qui remplissait assez bien ce rôle en utilisant des porte-plumes pour lettrage, de l’encre de chine dilué et un papier anglais recyclé légèrement absorbant. De cette manière j’ai obtenu une ligne qui s’épaissit un peu avant de sécher et qui s’immisce dans le corps même du papier suivant les fibres qui le constituent. Le bord en est comme déchiré. Le résultat est un graphisme emblématique, frontal, qui tient compte de la surface mémorisés comme une mue de modelage qui rappelle sa forme d’origine, déstructurée, aplatie. Quasi automatiques, répétitifs, les dessins sont exécutés rapidement, sur les périodes de travail intense de quelques semaines, par centaines voir milliers. L’essentiel des dessins dans l’exposition de Naples résultent d’un travail fait de cette manière en Inde en janvier de cette année. Mais avec le temps un autre élément apparaît: en fait deux choses restent en tête pendant l’exécution, les formes différents de modelages transmise par la mémoire tactile mais également un sentiment corporel général. Nous sommes ainsi fait que ces perceptions se colorent l’une l’autre forment un tout. Ce tout est ce qui inscrit, traduit sur le papier. Proche de l’écriture dans sa rapidité d’exécution, il permet de coucher le dessin alors qu’il est encore en train de naître dans l’esprit. Une forme qui est soumise à une opération de cartographie, dessiné de mémoire. Le résultat est bien évidemment entaché d’un multitude d’erreurs ; avec l’encre de chine des repentis sont impossibles. C’est alors que l’informatique rentre en jeu. Numérisés, corrigés, virtuellement retirés de leur support, les dessins sont envoyés vers une machine qui les découpe dans toute leur finesse. Ainsi libérés, il devient possible de es associer à d’autres fonds sous forme de collages, des papiers venant de livres d’occasion. L’opération de montage et de repérage est délicate, mais une fois faite l’association semble plutôt être issue de l’impression. Du collage de ces éléments d’origine hétérogènes un autre statut d’image naît, son homogénéité venant de la magie de ce qui semble n’être qu’une coïncidence, mais qui est en fait entièrement pensée du début à la fin. Le résultat procède d’une pensée sur le corps dans l’espace mais qui sous nos regards se généralise. On voit une carte, un plan de jardin, on se voit dedans, non comme dans un miroir, mais plutôt comme on se voit sur un plan de ville, en se promenant. Dedans mais en dehors en même temps. Ce sentiment est à l’origine de ma participation dans l’exposition Figli di Nerone organisée par Elizabeth Sarah Gluckstein où un dessin de ce type découpé au laser en acier a été exposé dans deux situations différentes sur des parcours urbains à Naples fin 2000 et début 2001. L’exposition de l’Institut Français reprend de même type de disposition urbaine pour une partie en mettant sur des panneaux d’affichage libre des dessins imprimés issus de la dernière série, des collages à l’échelle de la cité qui conduisent le spectateur vers le lieu d’exposition principale, via Crispi.
PETER BRIGGS
Briggs, Peter, “Archicoutures”; Texts: Berthier, Pierre, Preface, Briggs, Peter, Antrotopie and Gluckstein, Elizabeth Sara, Contro una nostalgia improduttiva; Institut français de Naples; Italy; 8 November – 1 December 2001