Etats de surface, Artcurial, Paris, 1990

Texte de Dominique le Buhan, Artcurial, 1993

L’intuition que Peter Briggs a de la sculpture s’est manifestée, comme en suivant un mystérieux principe hélicoïdal, en deux lieux, des temps et des matériaux distincts; mais elle est une et tire de cette unité, d’abord inapparente, ses pouvoirs concrets. Oeuvres sans faciles effets expressifs, sans démesure, et ne procédant d’aucun système, mais d’une intelligence anti-rhétorique exercée de la chose, qui d’elle-même et à elle-même s’oppose en s’élaborant.

Il est un homme spontané se son temps, sans afféterie, ouvert à autrui, mais de soi conscient; il ressent ce qui vient à lui, attentive à la vie végétale, animale. Attentif, et qui d’évidence sait créer de ses mains. Et peut-être est-ce d’abord cela la sculpture, qui s’inscrit dans la durée de la nature, sa géologie, et dans les cours de l’histoire pour moduler des “états” dans l’espace, et plus mentalement à même l’étendue, sur la surface.

L’histoire plus personnelle de Peter Briggs est celle d’un anglais né en 1950, qui vit à Tours. Les dates et les faits de son existence semblent surtout lies à de belles expositions discrètes, convaincantes. D’où il ressort que, jeune artiste, il est l’un des plus aptes de sa génération à comprendre, à assimiler, et à délimiter les apports du minimalisme, du land art, et de l’arte povera, amis qui, doué d’une curiosité incisive, parvient à créer l’inattendu avec le verre qu’il peint, avec le fer qu’il découpe et forge, avec la pierre qu’il entaille en des hélices instinctives, avec le bois de branchages qu’il traite dans la lumière, avec le cuivre repoussé,avec la cire liquide, enfin mais modelée souple et durcie, sur laquelle il “greffe” quelque maigre branche de charme ou, plus rarement, des fragments de lierre, pour qu’assemblés ils se perdent en des bronzes uniques, recourbés sur eux-mêmes, lisse ou rugueux comme l’écorce…

Cette énumération n’omettrait rien d’essentiel, s’il ne fallait rappeler que cet artiste, doué du sens de la complexité que propose la nature à tout homme vivant auprès d’elle, a aussi réappris à modeler, en formant des sortes de sculptures restées manuelles, pouvant tenir dans la main de l’observateur, s’il accepte de le suivre dans cette exposition, laquelle retrace cette itinéraire long déjà d’un plasticien-né (est-ce si fréquent ?) qui a su envisager et reprendre la sculpture de plusieurs points d’attaque, pour aboutir à cette cohérence d’un unique propos soutenu par des preuves diverses et de tangibles traces.

Dominique le Buhan

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