In situ, Centre Pompidou, Paris, 1982

In Situ, 12 artistes pour les galeries contemporaines.  Une exposition importante de jeunes artistes français proposés par des conservateurs européens, Peter Briggs et Gérard Garouste sélectionné par Jesa Denegri

Dans l’exposition, trois grandes pierres sciées, une moyenne et deux sur socles. Sur le mur adjacent, trois verres

https//en.wikipedia.org/wiki/Jerko_Je%C5%A1a_Denegri

Dominique Bozo

In situ, 12 artistes pour les galeries contemporaines

(Bernard Bazile, Peter Briggs, Philippe Comar, Catherine Daval, Bernard Faucon, Gérard Garouste, Edmund Kuppel, Denis Laget, Kacem Noua, Christian Sorg, Lap Sze to, Pierre Tual)

catalogue avec un texte de Bernard Lamarche-Vadel)

1982 Edition : Paris, France, Centre Georges Pompidou

160 p. ; ill. en noir et en coul. ; 30 cm

Du Cancer au Cosmos

Nous étions prêts pour sortir. La bibliothèque emballée. tous les baluchons sur le dos, c’était une époque où je suis obsédé par le cancer, partir, pour le rendez-vous que je lui ai donnée, botté, chapeau, un chien de garde, un cheval peut-être, dans cette chienne de vie pour échapper au cancer lorsque le cancer sonne. Sonne encore, et moi qui peut encore à peine encore dire moi. Je réponds : c’est moi. Rennes – Paris – Peter Briggs ; pour une exposition dans l’appareil général, dans la généralisation, dans l’affairement des métastases. Parce que c’est le destin, pas labourer moins de dix ans, s’y mettre le bras, et la malignité grimpe, marque des points, jusqu’aux yeux devenus deux grosses verrues où pendent l’influence, plus un horrible trafic. C’est l’instant précis où l’appareil vous déclare actuel. Combien en ai-je vu qui sont morts du cancer de l’actualité avec les grosseurs, les kystes, les verrues que l’on voit pas, les tumeurs grandes comme la main. Du côté de Briggs, la seule chose que nous puissions lui souhaiter, et son oeuvre y pourvoira amplement ; n’être actuel le temps d’un clin d oeil, sinon, il le sait, cancer, prolifération, répétition, souffle court, parer au plus pressé, larmes sur le temps perdu. La seule chose que je puisse envisager pour satisfaire aux impératifs de la morale dans une phase aussi dangereuse est la narration de la recherche d’une spiritualité contre la pression cancéreuse active, tacticienne. D’abord moi, je le dis, moi critique grand-père aux petits plumeaux critiques dans Paris-cancer ou cancer ailleurs, découvrir avant découverte ceux qui vont naître avant d’être nés. Ce qui suppose d’attendre sur tous les orifices que ça sorte quand rien ne sort, mais veut sortir, et sort mal, ne sort toujours pas, sortira, sort bien, sort très bien. Donc pas d’actualité-cancer mais l’attente profonde et recueillie à l’orée d’une décision, d’un événement : la fabrication lente de la matrice. Pour le souvenir, à cette époque, d’obscures puissances négatives l’avaient déporté sur le front ouest, dans une petite concentration infecte, où l’on versait du café mal au cœur, travailler fatigue, pluie totale, angoisse sur le crêpes , lorsqu’on vint lui annoncer : un gros Anglais t’attend dans une Déesse 19 avec des diapositives. Aussitôt comme je l’ai déjà décrit, mais à quoi bon dans Paris-cancer et cancer ailleurs, et suffisances distractions, etc., je fais le vieux, le très vieux, je fixe mon vieillard intérieur, je m’accroche désespérément à lui pour faire monter la sensibilité, monter la compréhension, monter les expériences, monter le goût, monter le bon. Lorsque je suis très vieux, l’histoire de cette main sensible et vieille qui avance en dodelinant dans l?espace vers une orange qu’elle va coiffer, je rencontre Briggs. Trois choses : mesurer discrètement l’ambition (verticalité), la circulation (horizontalité), les moyens (oblique). Sans la synchronie de ces trois mesures, de cette ternaire exigence, aujourd’hui nous ne parlerons pas de Peter Briggs dans le Pompidou Museum. À l’époque, Briggs digérait un os. Un os nommé, mais que personne alors n’aurait su nommer en France, trop dur, trop loin, et puis on s’en fout, on préfère se soulager, canne à la main, dans la religion du débat : vieux furoncle français. L’os, Barry Flanagan . Une éthique de la polymorphie et du symbolisme occulte. Difficile à digérer lorsqu’on débute derrière une telle entreprise. Que faire, le vieux ? Faire le vieux, Mettre le doigt sur l’os, sans presser,accompagner et ma technique fut souvent : anticiper. Obliger des conditions pour la révélation, ou rien et l’on passe son chemin. Briggs, ce sont les trois mesures, ambition, circulation (horizontalité), moyens pour l’élévation, le maintien et le renouvellement d’une tradition spécifiquement anglaise : la vision de la nature. Constable représentait la nature, Turner décrivait la perception elle-même, Moore constitua un anthropomorphisme paysager accoudé sur le slogan cézannien. Richard Long de fit topographe alors que Flanagan s’octroyait les mystères de l’alchimie. De la religion de la matière il était dès lors possible de passer à une mystique de la substance dynamique. Flanagan interrogeait la matière du monde, à présent considère le mouvement du cosmos. Comment comprendre, interpréter, voir les rotations transparentes d’une pluie nébuleuse, les scissions, les vrilles, les enchaînements pyramidaux et l’ensemble de ce qui constitue déjà un répertoire impressionnant sans envisager que ce sculpteur s’est placé dans la dimension du paysage de son époque : la dimension de la substance, de la dynamique et de la structure cosmique.

Je vais vous raconter une histoire : un jour Peter Briggs m’invite dans la ville de Rennes, où il loge, pour y considérer une sculpture qu’il venait d’exécuter ; cette sculpture reproduisait un sablier. Sur le sol d’un étage, je voyais une pluie de sable tomber régulièrement d’un trou percé au plafond et se déposer en cône sur le sol. À l’étage supérieur, une masse de sable se creusait lentement en son centre vers la minuscule gorge de passage, pressée d’attendre sa vaporisation pour s’agréger de nouveau en masse géométrique irrégulière. Je regardais cette oeuvre particulière, j’admire la simplicité, l’immédiateté du déploiement de chaque sculpture et fidèle à mon héros favori, je reconnais que chaque étape de cette oeuvre m’a rendu d’un pas plus proche du Japonais spirituel que je ne cesse désirer devenir dans la considération de la substance du temps contre les verrues ignobles de l’actualité. Dans la perspective du plafond de la Sixtine, du temple de Kyoto que l’on démonte tous les sept and pour le reconstruire du pareil au même, de Khéops, Khephren, et Mykerinos, de la Divine Comédie, Hamlet et du serpent-oiseau Quetzalcoatl, Briggs, une chose : efforçons-nous toujours de demeurer au-delà du cancer des faits actuels et si nous ne pouvons produire du temps, au moins aurons-nous su l’écouter ; la mort serait alors un relais dans la continuité du temps contre le fait divers d’une rupture.

Bernard Lamarche-Vadel

Voir aussi Titre : Interview Gérard Garouste et Peter Briggs ENREGISTREMENT SONORE] Editeur : CNAC GP Description : 1 K7 audio Note(s) : Date d’entrée : 1982 Origine : Paris MNAM, 26 avril 1982 Auteur(s) : Lamarche-Vadel, Bernard : interviewer Sujet : Garouste, Gérard – 1946- Briggs, Peter – 1950- > VOIR LE PDF

http://catalogueexpositions.referata.com/wiki/In_Situ_:_12_artistes_pour_les_galeries_contemporaines

https//www.centrepompidou.fr/cpv/ressource.action?param.id=FR_R-4d2544e41190943b302a501468632a¶m.idSource=FR_O-3820a72382d9efb348da8f631b494b