Artistes : Peter Briggs, Jean-Charles de Quillacq, Rachel Labastie, Anna Natt, Mathilde Pirard, Édouard Prulhière, Clothilde Sourdeval, Anna Tomaszewski, Tom de Pekin, João Vilhena. Curation : Tristan Trémeau
Troubles topiques propose une exploration sensible et fantasmatique de zones sensorielles et mentales troubles liées à la matérialité plastique et organique des œuvres, ainsi qu’à l’ambiguité symbolique et allégorique des formes, signes, opérations, situations et sensations que les dix artistes invité.e.s mettent en jeu dans leurs pratiques et leurs représentations.
Dans le gymnase et les vestiaires du Centre Tour à Plomb, sculptures, dessins et installations vont dialoguer dans un espace d’ordinaire dévolu aux exercices corporels, suggérant une approche organique autant que mentale, visuelle autant que tactile, olfactive autant qu’auditive des œuvres. Des médiations troublantes seront proposées aux visiteurs et spectatrices lors du vernissage et pendant les trois premiers jours de l’exposition?
Troubles Topiques _ l’emprise des sens dans une expo charnelle à la Tour à Plomb
Présentation pour specta(c)teurs/trices
A l’entrée pour compenser l’interdiction COVID de toucher, chaque visiteur avait le droit de prendre une goutte de verre noir et un petit modelage en porcelaine.
Huit peaux attachées avec des ventouses et pinces à linge en acier inoxydable, des grosses flaques de verre noir miroitantes et des ‘poignées d’amour’ en porcelaine émaillée en quinconce étaient attachés au miroir, le filet de protection a servi de support pour des modelages à quatre mains insérés dans des collants sectionnés.
Sur le mur en briques rouges, une étagère : sur la plaque de verre siliconé sur son envers un ensemble d’objets d’apparence hétéroclite. Mais en regardant de plus près leurs divers appels au tactile se dessinent. Un vase en cristal, sectionné et thermoformé s’ouvre en décolleté, Une plaque de verre dit ‘martelé’ de fenêtre de salle de bain renvoie un reflet trouble tenue en place par un sabot de cheval. Entre les deux une assiette de cantine pliée et découpée se montre en origine du monde minérale. L’usine de flocage d’Issoudun a permis la fabrication d’une série de grès floqués : ici un exemplaire en forme de teepee gris souris de chair flasque. Puis un dessin en émail exécuté sur une plaque découpé dans une couvercle de gazinière, une double arabesque : ci-devant une autre assiette en arcopal qui s’était enroulé sous l’effet de la chaleur, son bord ondulé rappelle les formes de coquillages exotiques. Encore une assiettes en porcelaine pliée en quatre reprend les dessin en 8 de la plaque d’à côté.
Deux langues de veau, tête bêche, en 69, sont conservées dans de l’alcool, une loupe grossit les picots qui s’aplatissent contre le verre du contenant. Posé dessus le modelage à quatre mains reprend leur dédoublement. Ce qui reste d’un vase en cristal qui s’était écrasé sous son propre poids pour s’aplatir dans le four, se dresse, coupé en deux moitiés rassemblé par une grosse masse de silicone noir qui bave : inséré à coté, un assemblage filiforme de grès noir et de porcelaine extrudée en giclure figée. Enfin la moitié d’un volume en verre souffle argenté ferme la suite d’objets posés.
Dans le sens contraire un carré de verre noire suspendu s’ouvre sur le fond en briques et annonce d’autres suspensions. Des vestes d’homme haillonnées, coupées par un emporte pièce en forme de semelle, parmi ces lambeaux une enfilade d’anses de cafetière coulées en aluminium puis une embrasse de rideau transformée en plomb.
Une extrusion accidentée en porcelaine tourné en boucle et avoisine le grand pan de latex suspendu au support de boudin de boxeur déjà présent dans les lieux, une gymnase. En dessous le simple chaise de cuisine est drapée d’un autre pan de latex plus fin, une grosse pierre qui imite un galet (en fait taillée d’après un modèle) y est posée en assise lourde. S’échappe de dessous de ses jupons une flaque de verre noir. Le dispositif se termine par un miroir aux arrondis arpiens qui renvoie dans son reflet déformé les échelles de gymnase qui lui font face.
Tout appelle à une découverte par la vue mais aussi par le toucher, frustré par les consignes sanitaires. Les deux petits échantillons pris en main dès l’entrée traduisent partiellement ce que aurait pu être une riche rencontre avec ses formes évocatrices et troublantes qui, de façon indicielle, nous ouvre sur un érotique atopique.
Pour finir, en partant, ayant visité l’exposition dans sa globalité, dans les vestiaires on découvre en face d’un sexe féminin en terre rouge de Rachel Labastie et près des savons moulés en forme de pied de Clothilde Sourdeval, un ensemble de volumes en verre noir soufflé, des crochets anthropomorphiques et un drapé frappé d’un dessin de dissection d’un escargot. Puis vers la sortie une sorte de fétiche faite de extrusions de silicone noué, tourné en boucle couronnée de cheveux artificiels noirs. Vers la sortie on croise une céramique d’Anna Tomaszewski, alors que l’autre vestiaire est complètement tapissé des pans de tissus noirs d’Edouard Prulhière.
C’est sans parler des interventions odorantes et sculpturales de Jean-Charles de Quillacq, performatives d’Anna Natt, graphiques de Tom de Pekin et João Vilhena.
Le tout sous l’impulsion de Tristan Trémeau qui s’explique longuement dans son texte qui accompagne l’exposition.