Mise en plis, L’art dans les chapelles, 19e édition, chapelle Notre-Dame du Moustoir, Malguénac, juillet-septembre 2010

ouverture – copie

 

L’art dans les chapelles invite, chaque été, depuis 19 ans, des artistes plasticiens à dialoguer avec le patrimoine religieux de la vallée du Blavet et du Pays de Pontivy, des chapelles édifiées pour la plupart aux XVe et XVIe siècles.

MISE EN PLIS

Pour la chapelle Notre-Dame-du-Moustoir-Malguenac, l’artiste Peter Briggs a imaginé une méditation sur la notion de force plastique au sein d’un dispositif artistique qu’il qualifie lui-même de néo-baroque.

Ce dispositif est composé d’une série d’installations réalisées de diverses façons dans différents matériaux, mais composant néanmoins un système de relations cohérent se développant autour de la notion de pli.

Par exemple, contrairement à une première impression, la forme des quatre pierres noires en quartzite du Rajasthan n’est pas naturelle : elle résulte de modelages réalisés dans un premier temps en terre. Cette technique a permis d’obtenir des formes tendant vers une certaine perfection, ou disons vers la forme que l’artiste avait en tête, car il lui avait été impossible d’en trouver de telles dans la nature. Ces modèles en terre ont ensuite été copiés en pierres taillées en forme de galets, à Delhi en 2001.

Il s’agit donc là d’une mise en scène de la pierre, mise en scène redoublée par la disposition de ces pierres sur des chaises récupérées et recouvertes de feuilles de latex naturel teinté en noir et saupoudré de talc, fabriquées au cours de l’été 2009. L’association du latex et de la pierre est due à leurs qualités plastiques respectives et poursuit une réflexion amorcée par l’artiste au début des années 1980 sur les forces plastiques. Il en est de même pour le rapprochement entre le tombé et la mise en plis tant du drapé en latex que celui du velours noir d’un rideau tenant lieu de jubé, doté d’un système d’ouverture automatique, le latex formant des arrondis étirés et le tissu des coudes anguleux.

La question qui anime ce dispositif artistique consiste donc à se demander comment faire plier la matière en fonction du projet de l’artiste, question qui doit être déclinée pour chaque matériau. Il existe en effet une tension entre les forces mécaniques propres à chaque matière qui obéissent à des forces compressives et élastiques plus ou moins marquées, et les forces plastiques exercées par les mains, outillées ou non, du sculpteur. Ce dernier projette sur la matière le désir d’une forme tandis que la matière résiste à ce projet.

Le modelage, au sens large, résulte donc d’une tension entre ces deux forces qui se s’affrontent au niveau de la surface de la matière. D’une certaine manière, c’est un peu comme si cette zone de contact, à l’égal des façades baroques créant des surfaces soumises aux déformations dues à la convergence conflictuelle des forces intérieures et extérieures, devenait le théâtre d’un jeu complexe de rapports de force : la surface devient convexe lorsque les forces mécaniques sont plus fortes que la volonté de l’artiste, et concave quand les forces plastiques l’emportent sur la résistance de la matière.

Cette théâtralisation des forces exercées sur la matière rend bien visible les processus de création artistique autour de la notion de pli. Et la mise en scène elle-même du dispositif à l’intérieur de la chapelle, à l’aide du rideau de théâtre et des miroirs thermoformés placés de part d’autre de ce rideau, créant ainsi une double mise en abîme, démultiplie et donc replie sur elle-même à l’infini cette méditation baroque mais néanmoins moderne sur la mise en plis.

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