« Biomorphismes », Friche de Belle de Mai, Marseille, 9/11/18 – 10/2/19

Bonjour Karin,

Tu m’as demandé de t’envoyer un document qui indiquerait les grandes lignes de ce que j’envisage pour Marseille.

En l’état, j’ai en tête et en fabrication, différents éléments qui fonctionneraient ensemble dans ce qu’on appelle en anglais, a loose installation, une installation déferrée, lâche.

Toute une partie fait référence directement à l’échelle du corps humain à travers leurs fonctions d’habillement.

D’une part, une série de vestes d’homme, avec des pans de tissus en forme de semelle ôtés à l’emporte-pièce, haillonnées.

Puis des gants en coton, trempés dans la barbotine de porcelaine et cuite à haute température ; le tissu est éliminé par la chaleur, il ne reste que les formes fantômes des gants.

Ces deux séries seraient suspendues au mur, accrochées avec des clous.

Il y aura donc, des éléments à l’échelle du mobilier puis posaient dessus des pièces ‘à l’échelle de la main’, des fabrications récentes conçues pour fonctionner ensemble sur une linéaire de 15 m environ.

Tous ces éléments seraient disposés d’une manière périphérique par rapport à l’espace d’exposition.

Au centre de cet espace je souhaite placer une pièce plus importante : une forme qui bifurque, fabriquée avec des rails de chemin de fer américains qui datent de 1917. Leur configuration reprend le dessin de la constellation du Cancer.

Je pense amener cet ensemble en hauteur de façon à rapprocher le rail à une main courante, mais je ne sais pas encore par quels moyens, éventuellement en posant les rails sur des chaises ou encore des tables.

 

Il s’agit d’une série de références à des processus complémentaires qui ont en commun une préoccupation avec une forme de plasticité induite et possible lecture de et par le corps. Et, à ce titre une identification par une forme d’empathie, de sympathie plutôt par le spectateur/tacteur avec ces choses et l’action qui a conduit à leur fabrication et finalisation.

Partout dans les opérations menées, il y a des références à des formes ou des processus naturels, organisées selon ce que Lars Spuybroek appelle ‘the radical picturesque’. C’est-à-dire, des opérations complémentaires qui donnent la forme à travers une plasticité de la gestation, de la croissance, ou, au contraire, du déclin, de l’érosion, de la destruction.

Des liens se tissent entre les choses, et ‘cet entre des choses’ est senti par les spectateurs, non pas comme une individuation éparpillée, mais comme une forme en soi. Ce qui leur permet d’en faire l’expérience et qui fournit les outils sensoriels, c’est une assimilation préalable de la notion et de la pratique du biomorphisme. C’est-à-dire l’ancrage du corps, de l’œil incarné et l’esprit dans le monde du vivant.

Les formes naturelles sont devant nous, mais aussi en nous, depuis nos rétines, jusqu’à nos plantes des pieds. La proprioception joue autant que la vision et le toucher dans notre sensibilité au monde.

C’est une relation d’assimilation au monde, ’embedded’, ’embarquée’ que je tente de cultiver et de mettre ‘en choses’ et ‘en espace’ dans ma contribution à cette exposition.

Biomorphisme à la Friche de la Belle de Mai – Marseille