Figli di Nerone, Naples, 2002

Texte pour Naples, installation sur le carrefour de la Via Nilo

Comme une mue de sculpture, ces dessins se veulent être une manière de cartographier la mémoire tactile. Une cartographie subjective, forcément, avec des points de repère bien en evidence. En face, une cartographie objective, un lieu qui se serait désigné par la remise à jour de cette figure devenue hybride qu’est le Nilo. Assemblage anachronique de l’antique et du Seicento, il se dresse pour mieux verser ses eaux vers nous. Sa frontalité le rend emblématique comme une coperta de sarcophage étrusque, tout vers l’avant, l’avers fait l’envers du décor. Ce dessin qui en fait l’echo, figure à la manière des sculptures qui l’ont fait naître. Telle galbe, tel pincement, suggère un corps, des corps, à l’endroit, à l’envers, à des échelles différentes. Les compositions s’inspirent largement de tout art d’assemblage, de la fusion des corps – de l’art indien, des chapiteaux bicéphales romans, de l’emblématique des frises des tombeaux Han, des enluminures du Moyen Age ; le tout migre, s’associe à travers des espaces indifférenciés, des passages à vide. Telle la légende d’Osiris, mis en morceau par son frère puis rassemblé à nouveau par sa femme, le Nilo est fait de pièces détachées. Son identité rétabli, il domine un carrefour, donne son nom au lieu. Un carrefour est un espace urbain indifférencié, tourné vers chacun des points cardinaux. L’échelle de la ville, dans le cadre de l’expérience menée par Elisabeth Gluckstein, joue de ce lien invisible perceptible seulement du ciel, qui donne un sens supplémentaire à ces rues et ces carrefours, comme des mots d’une phrase qu’on lit en se déplaçant. Mes dessins commencent comme des graphies cursives, rapides, grands comme le creux d’une main. En grandissant, ils ne rattrapent jamais l’échelle de la ville, mais s’établissent tout d’abord comme des metonymies, donnant peut-être dans l’espace d’un détail un sens à notre regard sur la ville. Comme les pierres à libation, érigées le long du Nil, le corps du dessin se remplit, liquide, dans l’espace du regard pour se déverser ensuite dans le fleuve. D’une métonymie il se transforme en métaphore en se vidant de sa substance liquide. C’est ce flux, cet espace vibratoire entre métonymie et métaphore que j’espère convoquer en ce lieu du carrefour du Nilo.

Peter Briggs Dehli 23 novembre 2000

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